• 19 avril 2024

Occident-Orient

Pour les vacances d’été prenez avec vous le livre de Guy Mettan «Russie-Occident. Une guerre de mille ans» (éditions des Syrtes). D’abord parce que ce livre est intéressant et documenté. Ensuite parce qu’il fournit des arguments pour vos discussions entre amis mais surtout avec ceux, et ils sont très nombreux, qui vont vous contredire une fois le thème de la Russie lancé. L’auteur étale tant de références pour argumenter sa pensée que cela donne envie, en rentrant du voyage, de se précipiter sur la toile et dans les librairies à la recherche des sources d’informations citées dans le livre.

Guy Mettan connaît bien la Russie où il a séjourné à plusieurs reprises, mais pour mieux comprendre ce pays il propose de faire le voyage dans l’histoire des relations entre l’Orient et l’Occident depuis un millénaire.

Nous lui avons posé quelques questions :

- Guy Mettan, votre livre «Russie-Occident. Une guerre de mille ans» a été lancé au Salon du livre de Genève, pendant la crise en Ukraine et en plein bras de fer entre la Russie et l’Occident. Comment ce livre a-t-il été reçu par le public ?

Mieux que prévu! Je m'attendais à une pluie de critiques mais la réaction tant des médias, que je critique pourtant, que du public, a été très positive. Nous avons dû réimprimer le livre après quelques semaines. Les gens sont fatigués par la pensée unique et l'incroyable propagande délivrée par les médias dominants en Occident. Ils cherchent d'autres sons de cloche. En revanche, l'establishment politique et médiatique reste largement hostile à la Russie.

-Vu le contenu et le titre, avez-vous rencontré de difficultés à trouver une maison d’édition pour cet ouvrage?

Non, c'est même le fait d'avoir trouvé tout de suite, quoique par hasard, un éditeur enthousiaste qui m'a motivé à écrire le livre. C'était important car au plus fort de la crise ukrainienne, je me sentais bien seul à dénoncer les préjugés européens et américains sur la Russie et à démonter le discours antirusse qui pollue les médias occidentaux.

- Quand la russophobie est omniprésente en Europe de l’Ouest, peut-on exprimer librement son avis sur ce pays et son évolution actuelle ?

Jusqu'à maintenant oui. En Suisse, nous sommes habitués à écouter les voix minoritaires, ou à contre-courant, et à les respecter. En France en revanche, c'est plus dur. La russophobie des médias dominants et des hiérarchies est si forte, si ancrée dans les mentalités, ces gens sont si sûrs de détenir la vérité qu'ils n'acceptent aucune parole alternative. Ils dénoncent la propagande russe sans voir que la leur est encore pire. C'est affligeant pour la diversité de la presse.

- Comment qualifierez vous la couverture du conflit ukrainien par les médias suisses et occidentaux ?

Partiale. Les médias ont tendance à ne publier que les communiqués du régime de Kiev sans aucune critique. Ils ne citent que des experts pro-occidentaux ou proches de l'OTAN. Ils ne situent jamais le contexte historique et culturel qui explique que l'Ukraine est un pays complexe et qu'une partie des Ukrainiens se sentent proches de la Russie et souhaitent continuer à parler russe plutôt qu'ukrainien. La pression euro-américaine et la division du pays entre les "bons" installés à Kiev et les "méchants séparatistes" font qu'on ne recherche plus la vérité, ni la confrontation des opinions.


- Quelle est votre réponse à la question «Pourquoi nous aimons tant détester la Russie» ?

Il faut lire le livre. Je montre comment les médias occidentaux ont construit le discours antirusse, avec des éléments de langage et des attaques contre Poutine qui suivent les mêmes codes et utilisent les mêmes mots que la presse anglaise qui attaquait le tsar Nicolas Ier en 1853 avant d'envahir la Crimée, ou que la presse maccarthyste américaine des années 1950. 

La russophobie remonte au schisme religieux qui a provoqué une fracture entre l'Europe catholique romaine et gréco-byzantine. Ce fossé a généré depuis mille ans des préjugés et des incompréhensions tout au long des siècles. Puis, quand la Russie est redevenue une grande puissance à la fin du XIXe siècle, l'Europe n'a cessé de décrire la Russie comme un pays hostile, despotique, expansionniste, corrompu, etc. tout en lui reconnaissant des qualités culturelles extraordinaires. La France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et les Etats-Unis ont tour à tour développé une russophobie active, généralement en vie d'envahir le pays ou de le neutraliser, à la suite de Napoléon, du Kaiser, de Hitler ou des Américains après 1945 et après 2003. Cette haine géopolitique et cet amour culturel explique pourquoi l'Occident, et l'Europe en particulier, «aime» détester la Russie. 

Margareta Donos

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