Au Cameroun, à la rencontre des émotions de qualité
L’arrivée
À la fin de novembre 2019, l’aéroport Charles de Gaulle de Paris sourit, avec un peu de timidité, à la foule qui le traverse, en étalant ses décorations de Noël. «Pardon, mais on est prêt à vous offrir la magie», semblent-ils dire les sapins artificiels à l’entrée des boutiques duty free de l’aéroport parisien. Les gens de différentes nationalités, parlant une diversité infinie de langues et ayant diverses habitudes du voyage, se dirigent, lentement ou en courant, vers les sorties pour leurs vols: chacun a une destination, même de Paris.
Une queue immense se forme en face de l’écran indiquant le vol vers Yaoundé, la capitale du Cameroun. Quelques centaines de visages qui se reconnaissent, se saluent et s’embrassent sont des journalistes arrivés à Paris d’une dizaine de pays francophones pour aller au Cameroun afin de participer aux 48emes assises de l’Union de la Presse Francophone (UPF), entre le 18 et le 22 novembre. Après 7 heures de vol entre les capitales française et camerounaise (mais encore après plusieurs heures de voyage des pays d’origine vers Paris), les pensées collectives se dirigent vers la rencontre avec une chambre d’hôtel accueillante et la possibilité de recharger les batteries pour le grand débat sur la place des émotions dans le journalisme d’information, sujet proposé pour les Assises de 2019 de Yaoundé.
L’arrivée à l’aéroport International Nsimalen a reporté les pensées optimistes des participants pour quelques heures. Pour les employés de l’aéroport, peu importe à quel point nous sommes les bienvenus au Cameroun, le visa doit être appliqué dans tous les passeports, en suivant une procédure impossible à comprendre par la majorité du groupe (empreintes, trois cachets, une signature de la Commissaire de Police, l’enregistrement dans un gros journal – témoin des entrées des étrangers sur le territoire du Cameroun, et aucun mot sur la vaccination contre la fièvre jaune, obligatoire pour passer la frontière du pays africain. Après la température presque hivernale de Paris, les +20 et quelques degrés dans l’aéroport de Yaoundé amplifient la fatigue. Finalement, après un voyage en bus pendant lequel on a traversé une bonne partie de la capitale et de ses banlieues, les journalistes sont arrivés dans les hôtels réservés par les organisateurs, et après encore quelques bonnes minutes de communication avec le personnel des hôtels visant les pays d’origine et les numéros des chambres, chacun a pu occuper son habitation. Même si le dîner de bienvenue était prévu dans le programme, une bonne partie des invités a cédé à la tentation d’un lit confortable.
Les Assises
Et voilà, après une première journée avec l’arrivée d’autres participants et invités, un match de football de Gala entre la sélection UPF-Cameroun et UPF internationale contre les anciennes gloires des Lions Indomptables, deux longues réunions du Bureau International et du Comité International de l’UPF, mais aussi un dîner d’accueil extrêmement retardé, offert par le Ministre de la Communication du Cameroun, les travaux des 48e assises de l’Union de la Presse Francophone ont leurs ouverture officielle, en présence du Premier ministre de la République du Cameroun, du représentant de l’IOF, mais aussi d’autres officiels et personnalités invitées. La conférence inaugurale d’Anne-Cécile Robert, journaliste, professeure et auteure du livre « La stratégie de l’émotion » a donné le ton des débats sur le sujet sensible du rôle et de la place des émotions dans le journalisme d’information. Les participants aux quatre tables rondes et aux quatre ateliers, animés par des professionnels incontestables pendant deux jours formels et deux autres informelles, ont développé et débattu la problématique des émotions et le journalisme, en cherchant les réponses aux questions telles que :
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L’émotion dans les médias, frein ou atout pour l’information?
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Le numérique favorise-t-il l’émojournalisme?
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Les médias peuvent-ils analyser sous le coup de l’émotion? Comment séparer le fait du commentaire?
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Les journalistes sont-ils préparés à l’émotion?
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Journalisme d’investigation : du droit «absolu» à l’information?
En plus, le photojournalisme – entre information et mise en scène, la couverture des grands mouvements populaires – entre l’objectivité de l’information et subjectivité de l’émotion, ou le défi de l’éthique et de la déontologie quand il s’agit de l’émotion, la manipulation et l’information, tous ces aspects ont fait l’objet des discussions de plus de 300 participants venus d’une quarantaine de pays francophones à Yaoundé. La diversité d’approches a été assurée de manière excellente, étant donnée la richesse des pays représentés dans les ateliers de travail.
Du Cameroun à la Thaïlande, et du Mali à la Moldavie, en passant par le Maroc, la Belgique ou la France, la presse de langue française a brillé à travers ses représentants et le pluralisme des idées, informations et études de cas échangés entre les participants. Au-delà de certaines discussions en contradiction ou opinions, commentaires opposés, inévitables dans le cadre des réunions assez larges, les débats ont mis à l’honneur le journalisme de qualité et ont offert le cadre parfait pour les échanges de bonnes et mauvaises pratiques, mais surtout pour le développement des relations entre les gens de différents pays et continents, désireux de se connaître et d’approfondir leur collaboration. Dans ce sens, la visite guidée du Musée National, le cocktail offert par l’Ambassade de France ou la superbe soirée de Gala avec des chansons, des danses et un défilé de mode, ont complété merveilleusement cette démarche.
Yaoundé
Avant de quitter les hôtels, l’un d’entre eux étant soumis à des impressionnantes mesures de sécurité, dues au Sommet extraordinaire des chefs d'États de la zone CEMAC (Communauté Économique et Monétaire d'Afrique Centrale), certains participants ont choisi de se promener dans la ville, goûter les fruits locaux, aller au marché ou acheter des cadeaux pour les proches. C’est vrai, on nous a dit, à moi et mes amis d’Arménie et de Géorgie, de ne pas aller en ville sans être accompagnés par un camerounais. C’est dangereux, dans le sens que, surtout au marché, les gens profitent de l’ignorance des étrangers en termes de prix, et demandent, dit-on, des sommes exorbitantes pour leurs produits. En plus, des petits délinquants locaux s’activent vite quand ils voient des étrangers. Bref, il vaut mieux être accompagné, que tu sois une femme ou un homme. Heureusement, un collègue de la section camerounaise de l’UPF a été extrêmement gentil de venir avec nous, et grâce à ça, on a pu savourer l’esprit de la ville africaine, on a pu voir la vie des gens au-delà des fenêtres d’un hôtel de luxe, une vie contrastante et totalement différente, et on a pu acheter des petits souvenirs pour nos familles à un prix correct. Merci beaucoup, amis camerounais, pour votre gentillesse ! Une gentillesse, à propos, commune à tous les camerounais qu’on a rencontrés aux Assises.
Les valises prêtes, plus lourdes qu’à l’arrivée, une liste de nouvelles rencontres et connaissances, une montagne de souvenirs et beaucoup d’émotions… on rend la clé de la chambre à la réception de l’hôtel et on attend, avec le même groupe rencontré à Paris il y a une semaine, le bus pour aller à l’aéroport. Les embouteillages terribles nous donnent encore des émotions, mais on arrive à temps pour l’enregistrement. La fille du guichet ne trouve pas ma connexion vers Chișinău, encore des émotions. Elle appelle un autre collègue, qui, dans les bonnes traditions camerounaises, prend tout son temps. Finalement, l’itinéraire est retrouvé, et je me dirige vers le contrôle de frontière. Heureusement, un ami français est là et prend mon ordinateur, en facilitant mon déplacement. À la sortie du pays, surprise, il faut présenter le certificat de vaccination contre la fièvre jaune. Quand même…je le montre, et on me laisse passer. Avant et après moi, quelques confrères et consœurs n’ont pas les certificats. Solution ? Ils payent une certaine somme d’argent, directement à la policière. Sans accusé de réception… Ensuite, une chaîne infinie de contrôles, questions, vérifications et…émotions, bien sûr. Surtout parce qu’à l’aéroport international de Yaoundé Nsimalen des magasins duty free n’existent pas. Donc, un dernier cadeau dont l’aéroport était l’espérance, devra être cherché/trouvé à Paris. 7 heures de vol, une nuit presque blanche, et Paris nous salue de nouveau dans une atmosphère de fêtes. La capitale française nous a réunis il y a une semaine, et c’est elle qui nous sépare pour une année. Chacun prend sa destination et on se dit au revoir. Non sans émotions.
Aneta Gonța