• 30 décembre 2024

La parole des femmes-journalistes en temps de guerre

La ville de Ben Guerir, qui est le chef-lieu de la province Rehamna dans la région de Marrakech-Safi de Maroc, est connue et reconnue surtout pour sa production de phosphate, son université, toute nouvelle et très moderne, mais aussi pour la présence de la plus grande base militaire aérienne marocaine. Une de ces attractions, l’Université Mohammed VI Polytechnique (ou UM6P), qui est le cœur du projet « la ville verte Mohammed VI », lancé par le groupe OCP, mais aussi un établissement qui veut devenir un hub mondial de recherche et de formation dans les domaines polytechniques, a accueilli, entre le 25 et le 27 juillet 2022, les 49èmes Assises de l’Union de la Presse Francophone. Le sujet débattu avec intérêt a porté cette fois-ci sur la femme dirigeante au sein des médias, mais aussi sur le rôle des médias dans le renforcement du statut de la femme à la tête d’une entreprise, d’une affaire ou d’un État. Plusieurs ateliers et tables rondes ont été conçus pour couvrir tous les aspects importants du sujet, dont une table ronde a été dédiée aux femmes journalistes dans les zones de crises/conflits. Comme j’ai eu l’honneur de partager avec l’audience les témoignages de 4 femmes-journalistes qui couvrent la guerre en Ukraine, mais aussi le conflit gelé à l’est de la République de Moldavie, ça me fait un vrai plaisir de laisser ici les idées-clés de ma présentation, pour toute personne intéressée ou curieuse. Bonne lecture !        

« Si possible, je te prie de ne pas préciser où je suis actuellement, dis juste que je suis en Ukraine ». C’est la dernière phrase que ma consœur Olesia Tytarenko, m’a dite après avoir répondu à plusieurs questions sur sa situation professionnelle actuelle. Olesia est la rédactrice en chef adjointe au service actualités de la compagnie publique ukrainienne de radio et de télévision Suspilne, avant le 24 février 2022 basée entièrement à Kyiv. Après l’invasion de la Russie déclenchée sur le territoire de l’État souverain Ukraine, une grande partie de la rédaction (y compris Olesia) a dû déménager dans d’autres villes du pays, pour des raisons de sécurité, et pour pouvoir continuer à exercer le travail journalistique de manière libre et correcte.

La même décision, de quitter, cette fois-ci le territoire de la Russie où elle était correspondante depuis 10 ans, a été prise par Elena Volochine, journaliste russo-française qui couvre l’actualité de la Russie et des pays de l’ex-union soviétique pour plusieurs médias français et francophones, et principalement pour la chaîne de télévision France 24. Elena parle d’un moment précis d’alerte, qui l’a poussée vers la décision de partir à la hâte, en quelques heures, par intuition et pourtant sans une menace directe. En une semaine de couverture de la guerre sur place, à la frontière de la Russie avec l’Ukraine, Elena a réussi à passer 3 reportages sur France 24.

Viorica Tataru, journaliste-documentariste moldave, spécialisée les dernières années sur le sujet de la transnistrie, un territoire séparatiste à l’est de la Moldavie, contrôlé par la Russie, est allée en Ukraine le 23 février, un jour avant le déclenchement de la guerre, pour documenter les tensions déjà existantes dans la zone. Le lendemain, elle et ses collègues ont décidé de rester, et comme ça Viorica est la première femme-journaliste moldave à couvrir la guerre en Ukraine, en faisant plusieurs allers-retours sur le terrain. Son courage est allé assez loin, elle va réaliser, avec un collègue homme, un documentaire sur les gens de différentes nationalités coincés en Ukraine.

Une autre journaliste moldave, Irina Tabaranu, est la seule à couvrir aujourd’hui de manière constante et continue l’actualité de la zone de sécurité de la région transnistrienne de la Moldavie. Après le 24 février, elle n’est plus allée de l’autre côté de la « frontière ». C’était sa décision, vu les tensions s’intensifier dans la zone qui n’est pas contrôlée par les autorités moldaves.

Sachez qu’aucune de ces 4 femmes n’a cessé de parler de la guerre et de produire des contenus journalistiques sur le sujet. Olesia est toujours en Ukraine, même si pas à Kyiv, et elle y restera « jusqu’à notre victoire que je vais fêter ici ». Elena, à son tour, continue à couvrir la guerre en Ukraine, depuis Paris, en déconstruisant la propagande russe et en expliquant la composante idéologique du conflit à travers la psychologie et la philosophie. Et même si elle se sent dans une situation dramatique, vu  l’impossibilité pour l’instant de se rendre sur place, Elena sait à quel point le décryptage de la propagande et de la désinformation est-il important et elle le fait « le mieux possible », en connaissant bien la mentalité des russes et le contexte général.

Quant à Viorica et Irina, la première continue à faire des allers-retours en Ukraine, mais pas assez souvent, et Irina continue la couverture du conflit gelé de la transnistrie, depuis Chișinău.

Qu’il s’agisse d’une guerre, comme l’est celle en Ukraine, ou d’un conflit gelé comme l’est celui de la transnistrie, le combat des femmes-journalistes est le même : informer de manière correcte et responsable le public ; ne pas admette, ou en tout cas diminuer au maximum l’impact de la propagande et de la désinformation sur le sujet ; et approcher, y compris par leur professionnalisme, persévérance, responsabilité et ambition, le jour où les crimes de guerre seront reconnus et pénalisés par les structures internationales compétentes. Comme ça elles sauront que leur jeu en a valu la chandelle.        

Aneta Gonța

 

 

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